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cahier rose : après le 21 novembre, vers 02h30, j'ai éteint mon
portable
Retenir du film Memento :
Sans l'art, l'espèce humaine aurait
depuis longtemps cessé d'exister. L'art lui permet à la fois de
continuer d'exister en lui montrant son inaptitude à être existant.
L'homme, en complexifiant son
existence, se donne une raison d'être : comprendre et résoudre
cette complexité qu'il à lui même créée.
Complexifier son existence :
vouloir que toute chose est une cause, poser la question du
« pourquoi ? », ne jamais se contenter du seul
« comment ? ». L'art dénonce le trouble en le
sublimant. En le sortant de l'homme, il le libère ; en le
montrant, il le diffuse. De sorte que chaque œuvre magnifie un
trouble, exorcise un homme et complexifie l'Humanité toute entière.
« Un grand homme condamne les humains à l'expliquer »
(Hegel). Ainsi, chaque œuvre met en abîme la communauté humaine.
Chaque œuvre augmente le degré de complexité et donc l'absurdité
de l'existence. Chaque œuvre retarde la fin de l'ère humaine en
montrant les peurs et les inaptitudes à vivre. Chaque œuvre
augmente en le disant ce mirage qu'est l'être humain. L’œuvre dit
que tout nous dépasse. Et que nous sommes capables de produire une
chose -comment appeler autrement l’œuvre?- pouvant elle-même dire
que tout nous dépasse. L’œuvre contient -ment-elle?- l'absolu
qu'elle dit au-delà de toute contenance.
Surenchère de folie.
Réalité impalpable.
Inception. Matrix. Harry Potter. Etc.
Imbrication des degrés du réel.
Tout est en même temps vrai et faux,
car tout est possible. Le vraisemblable est le fondement de toute
croyance. Et croire fait exister. L'homme qui croit. Et ce qu'il
croit. Qu'on l'on cesse de croire et tout meurt. Même le soleil ne
se lèvera plus si la totalité des hommes s'accordent sur ce fait.
En doutant de l'existence d'une chose, on la retire de l'existence.
Si l'Humanité vient à douter de sa propre existence, ne serait-ce
que de sa légitimité à exister (qui est le début du doute) et
déjà le mirage faiblit, s’estompe, en vient à se dissiper.
Nihil.
Mais l'art, sans fin, empêche la
déliquescence des croyances. L'art montre par son propre mirage que
le notre existe. Que le sien soit plus réel ou fumeux que notre
existence quotidienne individuée, il garantit -en mentant?- qu'au
moins une réalité existe. Ainsi l’œuvre garantie l'illusion,
dissout ou renforce la croyance, joue les vases communicants. Joue.
Est-ce pour un bien ? Qu'en sais-je. Une grande mascarade. Rire,
danser, chanter. Tout n'est qu'un jeu infini où toujours les mêmes
règles se réinventent : définition de la liberté. Un peuple
à la tête dure. Une manière de se mentir et d'oublier, et alors
continuer d'exister.
Retour à Memento.
Le seul sens de l'existence : le
non-sens. Le jeu. Le rire de Dieu.
« Parmi les phénomènes vivants, il y a le phénomène humain dont la spécificité apparente réside dans la conscience/méconnaissance de soi et du monde lié à l'usage du langage symbolique, laquelle conscience, prise de panique devant la compléxité du monde et de soi et ce qui se donne à elle dans l'expérience de la durée, du temps, de l'impermanence des choses et de soi et la perspective de la mort, a inventé le mot être auquel chacun peut donner la définition fictivement stable (Dieu, la Nature, l'Esprit..) et transcendante lui permettant de conjurer l'angoisse du "n'être plus" et de le rassurer en conférant l'unité illusoire d'un sens (toujours indéfinissable) de sa propre existence désirante et insensée. » Sylvain Reboul, être et existence (article en ligne)
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