samedi 16 février 2013

Du film Memento: art et existence


From cahier rose : après le 21 novembre, vers 02h30, j'ai éteint mon portable

Retenir du film Memento :
Sans l'art, l'espèce humaine aurait depuis longtemps cessé d'exister. L'art lui permet à la fois de continuer d'exister en lui montrant son inaptitude à être existant.
L'homme, en complexifiant son existence, se donne une raison d'être : comprendre et résoudre cette complexité qu'il à lui même créée.
Complexifier son existence : vouloir que toute chose est une cause, poser la question du « pourquoi ? », ne jamais se contenter du seul « comment ? ». L'art dénonce le trouble en le sublimant. En le sortant de l'homme, il le libère ; en le montrant, il le diffuse. De sorte que chaque œuvre magnifie un trouble, exorcise un homme et complexifie l'Humanité toute entière. « Un grand homme condamne les humains à l'expliquer » (Hegel). Ainsi, chaque œuvre met en abîme la communauté humaine. Chaque œuvre augmente le degré de complexité et donc l'absurdité de l'existence. Chaque œuvre retarde la fin de l'ère humaine en montrant les peurs et les inaptitudes à vivre. Chaque œuvre augmente en le disant ce mirage qu'est l'être humain. L’œuvre dit que tout nous dépasse. Et que nous sommes capables de produire une chose -comment appeler autrement l’œuvre?- pouvant elle-même dire que tout nous dépasse. L’œuvre contient -ment-elle?- l'absolu qu'elle dit au-delà de toute contenance.
Surenchère de folie.
Réalité impalpable.
Inception. Matrix. Harry Potter. Etc. Imbrication des degrés du réel.
Tout est en même temps vrai et faux, car tout est possible. Le vraisemblable est le fondement de toute croyance. Et croire fait exister. L'homme qui croit. Et ce qu'il croit. Qu'on l'on cesse de croire et tout meurt. Même le soleil ne se lèvera plus si la totalité des hommes s'accordent sur ce fait. En doutant de l'existence d'une chose, on la retire de l'existence. Si l'Humanité vient à douter de sa propre existence, ne serait-ce que de sa légitimité à exister (qui est le début du doute) et déjà le mirage faiblit, s’estompe, en vient à se dissiper.
Nihil.
Mais l'art, sans fin, empêche la déliquescence des croyances. L'art montre par son propre mirage que le notre existe. Que le sien soit plus réel ou fumeux que notre existence quotidienne individuée, il garantit -en mentant?- qu'au moins une réalité existe. Ainsi l’œuvre garantie l'illusion, dissout ou renforce la croyance, joue les vases communicants. Joue. Est-ce pour un bien ? Qu'en sais-je. Une grande mascarade. Rire, danser, chanter. Tout n'est qu'un jeu infini où toujours les mêmes règles se réinventent : définition de la liberté. Un peuple à la tête dure. Une manière de se mentir et d'oublier, et alors continuer d'exister.
Retour à Memento.
Le seul sens de l'existence : le non-sens. Le jeu. Le rire de Dieu.

Fragments










dimanche 3 février 2013

Promenade et scénographie


    Notre vie quotidienne se mêle sans cesse, et souvent à notre insu, à l'espace scénique  Partout, une mise en scène est à l'oeuvre. Chaque support d'information devient espace d'exposition : musée, métro, vitrine, panneaux d'affichage, mobilier urbain...
L'espace qui nous entoure, anthropisé à mort, est mise en scène, mise en signes (Baudrillard, tiré dans le sens qui m'arrange).

    La scénographie repose sur l'occupation par la mobilité d'une zone délimitée (celle des acteurs ou visiteurs d'exposition), et sur l'articulation harmonieuse des éléments de décor qui la compose.
Muséographie: il s'agit de placer le visiteur en situation de perméabilité afin que, mis en confiance par l'espace environnant, ses sens et son intellect impriment les informations, les émotions véhiculées. C'est par son corps en marche que s’opérera la synthèse des impressions et des conceptualisations.

Ainsi, la visite d'une exposition est une promenade : le visiteur y fait une expérience du paysage. Il s'agit de le faire entrer dans un rythme autre, lui permettre d'effectuer cette déterritorialistion dont parle Deleuze. Il entre dans une temporalité qui vise à le déconnecter de ses pratiques habituelles afin de le restituer enrichit à sa vie quotidienne, avec en sa possession un éventail augmenté de filtres pour voir le monde.

Une fois entré phénoménologiquement dans l'exposition, la surprise reste un enjeu nécessaire pour maintenir l'attention de notre visiteur et dynamiser son parcours. C'est pourquoi l'exposition se doit d'être délimitée, repartie en différents thèmes-territoires où chaque franchissement de frontières est un évènement symbolique et géographique.
Le montage d'une exposition est donc un projet de paysage avec espaces, fonctions, acteurs, et usages.

L'enjeu de l'architecte paysagiste est avant tout de faire des espaces pour que les gens y soient heureux. Nous ne sommes pas seulement des machines à produire des formes. En cessant de nous battre pour la capacité inédite de nos aménagements, et réconciliant technique et symbolique, en utilisant ce “design au-delà du visible” (L. Burckhardt) nous pourrions alors donner aux espaces ce supplément d’âme dont ils semblent manquer.